
| 31 mars 1988 |
Assise confortablement dans ma planque, je m'accordais un court moment de détente en lisant les dernières nouvelles. C'était toujours le même plaisir de voir les journalistes relater mes crimes, avec le peu d'éléments que je leur laissais pour qu'ils racontent l'histoire que je voulais. Le Daily Prophet avait été plutôt sobre et factuel, tout comme The Times côté moldu. La mort du Premier Ministre ébranlait le pays, surtout dans de telles circonstances. La reine avait fait un discours solennel, pour rendre hommage aux actions menées par l'homme politique, en évitant soigneusement d'aborder la cause de la mort. Fudge s'était précipité d'assurer dans une brève déclaration, que les Mangemorts, ni aucun autre sorcier, n'était impliqué. Affirmation plutôt crédible, puisque les soldats de Voldemort étaient restés muets après les faits, sans aucune revendication. Face à la soudaineté de cette mort, moldus comme sorciers préféraient croire en la version beaucoup plus rassurante de l'accident, ou du suicide. Le mot meurtre semblait complètement banni. Même les magazines les plus peoples n'avaient osé émettre une telle hypothèse. En revanche, ces derniers se faisaient un vrai plaisir d'alimenter le scandale, comme les auteurs de « Hello ! ».
John Fuller est mort d'une overdose de cocaïne !
Hier matin, notre Premier Ministre a été retrouvé mort alors qu'il était dans une salle de survie, suite à un accident ménager mineur aux cuisines. Selon un témoin oculaire présent sur les lieux au moment de la découverte du corps, une seringue était échouée au sol, près d'une boite pleine de drogue. Bien que l'entourage ait refusé de faire le moindre commentaire à ce sujet, et que le Secrétaire d'Etat ait préféré attendre des analyses plus poussées, des membres du personnel ont reconnu savoir que John Fuller se droguait régulièrement.
« Ça fait des années qu'il consomme de la cocaïne » avoue un témoin qui a souhaité garder l'anonymat. « Vous savez, ça fait des décennies qu'il assure ce rôle de dingue. Je sais que ce n'est pas une raison, mais je pense que la drogue l'aidait à surmonter la pression et le rythme effréné qu'il avait ».
« Ca ne m'étonne pas qu'il soit mort d'une overdose. Ça se voyait dans son comportement » témoigna une autre personne. « Il était complètement parano, avec des crises d'agressivité extrême. Dans le meilleur des cas, il s'en prenait au mobilier de son bureau, raison pour laquelle il y a beaucoup de neuf. Mais il pouvait aussi s'en prendre physiquement à toute personne se trouvant près de lui au moment où il explosait. Je n'osais jamais me retrouver en sa présence »
Le Premier Ministre n'était pas l'homme qu'il présentait publiquement. Retrouvez en page 2 tous les témoignages recueillis, et un profil détaillé de cette personnalité aux multiples facettes.
Je fermai le magazine avec le sourire, savourant ma vengeance. Personne n'avait réussi à prouver qu'il s'agissait d'un meurtre. Seuls mes amis étaient au courant, et j'étais persuadée en les laissant sur la scène de crime qu'ils n'oseraient pas changer ma version des faits. Je savais que ce ne serait pas sans conséquence sur ma relation avec eux... mais je ne parvenais pas à regretter mon acte. J'étais convaincue que j'avais fait le bon choix. L'histoire n'aurait pu s'écrire autrement. Et maintenant, pour conclure le sombre et terrible chapitre du camp, je devais éliminer toute cette monstrueuse organisation. Obsédée par l'armée de sorciers, je fis le choix de laisser momentanément la guerre en suspens. C'était plutôt dangereux à cause de mon père, qui pouvait prendre mes absences comme des affronts... mais je n'avais pas le choix. Il était primordial que je retrouve les prisonniers avant qu'un fou ait l'idée de s'en servir. Alors je me remis en chasse, ayant une nouvelle cible à traquer.
| Maison des Noven |
~ Point de vue général ~
Jack arriva dans la pièce, silencieux. La mort de Fuller le troublait au plus haut point. Tous les journaux disaient la même chose, mais aux yeux du grand maitre assassin, le déroulement de cette matinée au palais mettait en exergue un schéma très intéressant. Un schéma qu'il avait déjà eu l'occasion de voir lors d'un meurtre prémédité par Prue. Ce n'était qu'un pressentiment bien sûr... comme toujours avec elle, il n'y avait pas de preuve, ni d'indice. Elle pouvait maquiller n'importe quel crime, selon ce qu'elle voulait obtenir. Son imagination criminelle n'avait pas de limite, et elle avait les compétences suffisantes pour accomplir un meurtre tel que prémédité... ou improvisé. On pouvait la croire capable de tout. Il n'y avait aucun obstacle assez grand pour l'arrêter. Alors pour Jack, un assassinat aussi parfait était à la portée de sa protégée. S'il avait raison, pourquoi aurait-elle fait une chose pareille ?
-__Des nouvelles de Prue ? demanda Julie.
-__Non. Vu l'ampleur de ses activités, ça ne m'étonne pas.
Jack posa son regard sur Enzo, endormi dans les bras de Julie. Son c½ur déraillait chaque fois qu'il voyait cet enfant, de crainte qu'il finisse orphelin. Prue avait toujours pris des risques, mais depuis son retour en Angleterre, ça dépassait l'entendement. Sa survie ne tenait qu'à un fil. Ne pas pouvoir l'aider davantage le rendait malade.
| Ministère de la Magie – QG des Aurors |
Remus bouillonnait dans son bureau. Il n'arrivait pas à se concentrer. Il était obnubilé par le meurtre du Premier Ministre. Comment Kate avait-elle pu faire une chose pareille ? Ce serait tellement plus simple si Lyall daignait prendre cinq minutes pour lui expliquer ce qu'il savait à ce sujet. A la place, Remus était dans l'ignorance. Son père avait rejoint Maugrey pour une enquête, et serait donc indisponible pour une grande partie de la journée. Remus n'en pouvait plus d'attendre. Il n'avait pas fermé l'½il de la nuit, trop choqué par l'acte de celle en qui il croyait avoir confiance. Trop choqué d'avoir souillé son badge de la sorte, pour une raison qui lui échappait. Le pire, c'est qu'il ne pouvait même pas contacter Kate pour lui demander de rendre des comptes, ou l'arrêter. Il n'avait pas la moindre idée d'où la trouver, ni comment la joindre. Une fois encore, seul Lyall pouvait entrer en contact avec elle.
A midi tapante, Remus sortit de son bureau, ayant terminé la paperasse qu'il avait laissé s'entasser au fil des semaines. Il espérait croiser son père, mais il ne trouva que Maugrey, seul.
-__Salut Alastor. Tu n'aurais pas vu mon père ?
-__Non, pas depuis ce matin. Je suis content qu'il soit de retour parmi nous.
Remus eut l'impression de prendre un coup de massue. Son père lui avait menti. Il n'était pas sur une enquête avec Maugrey. De plus en plus colérique, Remus entreprit de demander à tous les collègues qu'il croisait si quelqu'un avait des informations sur son père. Finalement, il tomba sur Croupton, qui semblait lui aussi chercher Lyall. De toute évidence, il n'était passé au QG ce matin que pour faire croire à tout le monde qu'il partait sur une enquête, et donc se libérer la journée. Qu'avait-il en tête ?
| Palais de Buckingham |
Lyall squattait l'équipe de policiers moldus chargés de l'enquête sur la mort de Fuller. Il voulait s'assurer jusqu'au bout que personne n'arrive à la conclusion d'un meurtre. C'était aussi l'occasion rêvée d'avoir accès au bureau du Premier Ministre. Jusqu'à maintenant, il n'avait pu fausser compagnie aux autres policiers. A cette heure-ci, tout le monde était parti en pause, c'était le moment ou jamais de creuser l'enquête de manière plus officieuse. Il avait encore l'espoir de trouver un indice sur l'armée de sorciers. Kate ne répondait pas à l'appel, ce qui voulait dire qu'elle avait eu les renseignements qu'elle voulait pour continuer seule. Et pour Lyall, il était impératif qu'il rattrape son retard sur elle. Il devait l'empêcher de continuer à n'en faire qu'à sa tête sur des sujets aussi graves et importants.
Alors il s'enferma dans le bureau, et le fouilla de fond en comble. Il usa de la magie pour aller plus vite, et détecter des cachettes plus rapidement. Il découvrit une réserve de cocaïne, des dossiers très fournis sur de nombreuses personnalités, des relevés de comptes suspects, des objets sexuels, et toute une bibliothèque de CD-Rom aux intitulés mystérieux qui ne laissaient rien deviner de leur contenu. C'est tout ce que Lyall parvint à dénicher. Rien sur l'armée de sorciers. Rien d'écrit du moins. Lyall s'attarda sur les CD, seuls objets qui le laissaient assez perplexe pour capter son attention. En tant que sorcier, il ne possédait pas de lecteur pour les visionner. Alors il agrandit la poche de sa cape, et y rangea ses maigres découvertes. Il fut contraint de quitter le palais, forcé d'admettre que Kate conservait sa longueur d'avance... pour l'instant.
| Ministère de la Magie – Service des détournements de l'artisanat moldu |
C'était bien la première fois que Lyall mettait les pieds dans ce service. De l'extérieur, le Service des détournements de l'artisanat moldu était considéré comme le plus ennuyeux du Ministère. Mais à voir ceux qui y travaillaient, c'était probablement le plus animé. De nombreux objets moldus étaient ensorcelés, et visiblement, certains d'entre eux n'étaient pas encore tout à fait neutralisés. Lyall dut esquiver une tasse de thé, qui refusait catégoriquement de rester à sa place. Un employé lui courait après en lui jetant des sorts. Un autre se faisait assommer par une batte, qui changeait de couleur et d'inscriptions à chaque coup assené à sa victime. Lyall avança dans ce couloir, bruyant et chaotique, où les enchantements faisaient des objets les plus simples des adversaires presque redoutables. Il finit par trouver le bureau de la personne qu'il cherchait : Arthur Weasley. Lyall frappa, en espérant que son ami soit disponible.
-__Lyall ! s'étouffa Arthur avec surprise. C'est bien la première fois qu'un Auror se déplace jusqu'ici !
-__J'ai besoin de tes connaissances en objets moldus pour une enquête.
-__Ah ! Voilà qui est excitant ! Entre !
Arthur était réputé pour sa passion dévorante de l'étude des objets moldus. Lyall ne serait pas étonné que son ami soit responsable de plusieurs incidents avec des objets moldus, suite à des expériences infructueuses. Arthur était l'un des rares employés de ce service à réellement prendre son métier à c½ur. Il donnait de la bonne humeur parmi les grises mines blasées qui constituaient la majeure partie de ses collègues, fatigués de courir après des objets.
-__Avant toute chose, il faut que notre ... petite discussion reste entre nous, prévint Lyall. L'enquête est confidentielle, tu comprends ?
-__Tu peux compter sur ma discrétion.
Le sourire d'Arthur s'agrandit davantage. C'était bien la première fois qu'on venait le voir pour une enquête confidentielle, menée par l'un des As des Aurors ! En le regardant plus attentivement, Lyall se rendit compte que le front de son ami perlait de sueur. Un livre en cage s'agitait faiblement dans un coin de la pièce. De toute évidence, Arthur avait mené un sacré duel contre ce bouquin avant d'avoir raison de lui.
-__Que puis-je faire pour toi ? demanda Arthur.
-__Tu sais comment je pourrais voir le contenu de ... ces choses ? dit Lyall en sortant les CD de sa poche. J'ai peur de les abimer en utilisant la magie.
Il eut l'impression d'avoir montré la chose la plus merveilleuse du monde à Arthur, qui écarquilla les yeux avec un sourire jusqu'aux oreilles en les voyant.
-__Des CD rom ! Où en as-tu trouvé en si grande quantité ?
-__Pardonne-moi Arthur, mais je ne vais pas pouvoir te donner beaucoup d'informations. J'ai besoin d'un lecteur pour voir ce qu'il y a dessus. Tu aurais ça en réserve ?
-__Sûrement oui. Je vais te trouver ça ! Bouge pas !
Il fallut plusieurs minutes à Arthur pour dégoter un lecteur parmi tout le bazar qui constituait son bureau. Lyall sentit son c½ur battre un peu plus fort en voyant l'objet présenté par Arthur comme un trophée.
-__Comment ça marche ? demanda Lyall.
-__Il faut te brancher à un ordinateur, ou une télévision pour voir le contenu.
-__Tu peux me mettre ça en place, dans une pièce où je pourrais être tranquille ?
-__Je peux te faire ça ici même. Je vais chercher une télé et je te la ramène. Je dois partir sur une intervention, tu seras seul pendant quelques heures.
-__Je te remercie pour ton aide.
Lyall s'assit, attendant patiemment que son ami ait terminé de lui installer tout le matériel nécessaire. L'Auror fut étonné de voir l'ampleur des connaissances d'Arthur dans le domaine moldu. Lui, avec tous ces objets inconnus, peinait à s'y retrouver. Arthur prit un CD et le mit dans le lecteur.
-__Après, tu appuies sur le bouton play sur la télécommande. C'est celui qui représente un triangle.
Lyall estima qu'une télécommande avait trop de boutons. Arthur lui présenta les principaux, pour que Lyall soit en mesure de s'en sortir tout seul.
-__Ça marche aussi avec des sortilèges, finit Arthur.
Lyall se retint d'exprimer à voix haute son exaspération. Il avait fait l'effort de retenir toutes ces actions, pour au final apprendre qu'il aurait pu s'en passer.
-__Je te laisse ! A tout à l'heure si tu es encore là !
L'Auror attendit plusieurs minutes, éprouvant sa patience jusqu'au bout pour être sûr qu'Arthur ne revienne pas dans son bureau après avoir oublié quelque chose. Il finit par verrouiller la porte, et à l'insonoriser. Comme Arthur avait déjà enclenché un CD pour lui faire une démonstration, il commença par celui-là. L'image au début noire laissa vite place à une scène sexuelle entre le Premier Ministre et une jeune femme. Lyall se mit en lecture rapide, n'ayant pas de temps à perdre avec les loisirs de Fuller. Ce CD ne contenait rien d'intéressant. Le suivant était presque identique, si ce n'est que Fuller faisait parfois preuve de brutalité dans son acte. L'escalade de la violence continua dans les CD suivants : le Premier Ministre prenait des femmes de plus en plus jeunes. De toute évidence, certaines étaient encore mineures. Si au début il traitait avec des professionnelles, et ou des femmes consentantes, ce ne fut bien vite plus le cas. Les jeunes filles se débattaient, devant supporter d'abominables sévices sexuels. Il y eut des garçons aussi, qui subirent le même traitement. Lyall sentit monter en lui une vague de fureur. Ces CD étaient des sauvegardes de crimes sexuels. Et vu le nombre qu'il y en avait, avec la durée de chacun, c'était réellement éc½urant.
Malgré son dégoût, Lyall continua à enchainer les CD, les visionnant rapidement pour s'exonérer de ces scènes de viol à répétition. Quand il eut envie d'arrêter, il restait encore un paquet de CD non vus. Il n'en était qu'à la moitié à vrai dire. Il ne pouvait pas abandonner, au risque de laisser des indices derrière lui. Avec beaucoup de volonté, Lyall enclencha un nouveau film.
Les premières images montraient un décor nouveau. La pièce ne comportait aucun mobilier. Elle était entièrement blanche, vide et silencieuse. Lyall resta suspendu à ces images quelques secondes, attendant une nouvelle scène d'enfer. Une voix grave brisa le silence. Puis des cris. Des cris apeurés et désespérés. La caméra pivota brusquement, dévoilant une scène qui fit lever Lyall d'un bond. Un homme était debout à côté d'un lit en hauteur, où se trouvait une enfant solidement attachée. Il n'agissait pas de Fuller, mais d'un parfait inconnu aux yeux de Lyall. L'homme était grand et musclé, une mâchoire au carré, et des yeux d'acier posés sur sa jeune victime. Près de lui, des instruments de torture et des fioles diverses étaient sagement posés sur une tablette, à la vue de l'enfant. Terrorisée, la jeune fille, qui ne devait pas avoir plus de six ans, commença à hurler et à se débattre. Elle suppliait son bourreau de ne pas lui faire de mal. L'homme la frappa au visage avec force pour la faire taire. Sonnée, l'enfant fut momentanément réduite au silence. L'homme en profita pour se pencher sur elle, armé d'une simple paire de ciseaux. Il découpa avec une lenteur mesurée la chemisette qui couvrait la poitrine de sa victime. Une fois dénudée, il échangea les ciseaux contre un scalpel. La jeune fille se tétanisa d'effroi en voyant l'objet tranchant à quelques millimètres de sa peau.
-__Il est inutile de te débattre, ou de chercher à fuir, susurra le bourreau. Tu devras encaisser, ou mourir. A toi de choisir.
Lyall ne tint que cinq minutes face à la cruauté de la scène. Il dut mettre sur pause, le corps saisit de tremblements. Il se mit à marcher dans le bureau, fuyant l'image arrêtée sur l'horreur à l'état pur. La jeune fille avait le haut du corps en sang. Et pourtant, la torture subite par le bourreau n'égalait pas celle causée par le contenu des fioles. Forcée à les boire, une par une, chacune semblait infliger des douleurs toujours plus intenses. A tel point que l'enfant cessa de pleurer, de crier ou de se débattre. Le corps relâché après une tension extrême, le regard vide, on pourrait aisément penser qu'elle était morte. Le drame, c'est qu'elle était encore en vie. Son calvaire ne faisait que commencer. Lyall fit l'effort de passer en accéléré la suite. Plusieurs enfants subirent le même sort. Des filles et des garçons de différents âges, mais ayant tous moins de dix ans à vue d'½il. Lyall se prit le visage entre les mains, luttant contre l'envie de hurler. Il savait ce qu'il venait de trouver : l'origine de l'armée de sorciers.
Lyall dut se convaincre intérieurement que regarder la suite était nécessaire. Face à la cruauté et au sadisme, il avait seulement envie de courir après les responsables, et de les arrêter pour leur infliger le Baiser du Détraqueur. C'est tout ce que ces gens méritaient. Malheureusement, ils étaient moldus... et l'affaire ne pouvait être résolue publiquement. Une petite voix dans le c½ur de Lyall lui souffla que Kate avait raison d'agir comme elle le faisait. La rage face à de telles atrocités était telle qu'elle rivalisait avec les valeurs morales de l'Auror. Continuant son visionnage, Lyall se demanda comment des enfants avaient-ils pu survivre à un tel enfer... et surtout, comment ils étaient devenus après de tels traumatismes ? Etait-ce par cette destruction, physique et mentale, que Fuller avait réussi à « conditionner » les prisonniers, pour en faire des soldats ?
Au fil du temps, Lyall se rendit compte que l'attention des films se portait de plus en plus sur un échantillon d'enfants en particulier. Il était parfois difficile de les reconnaitre, tant la maltraitance et la malnutrition déformaient leur corps. Les scènes ne se passaient plus seulement dans la salle blanche, mais aussi à l'extérieur. Des combats à mort entre enfants étaient menés dans une sorte d'arène. Des épreuves mortelles poussaient des dizaines d'enfants à faire face à une cruauté sans pareille. Peu y parvenait. Lyall comprit que toute cette folie avait pour but de faire une sélection. Lyall enchaina les CD, qui l'amenaient toujours plus dans les bas-fonds de l'humanité. Et puis, il remarqua un changement. Jusque-là, les enfants étaient focalisés sur les épreuves. Ils ne suppliaient plus pendant les séances de torture. Ils encaissaient, tout simplement, en hurlant, ou en luttant au maximum contre la douleur. Certains étaient même filmés par infrarouge dans leur cellule, pour étudier leur comportement. Ils chassaient les rats pour se nourrir... se battaient entre eux pour récupérer les maigres morceaux de pain lancés de temps en temps par les bourreaux. Plusieurs encore furent périrent dans cet échantillon. Lyall cessa de visionner en accéléré. En regardant plus attentivement, il se rendit compte que les films ne portaient plus sur un échantillon d'enfants... mais une seule. Une jeune fille.
Contrairement à la plupart de ses camarades, cette enfant ne se contentait pas d'encaisser. Elle hurlait des insultes à l'égard de ses bourreaux, les provoquait. Elle était donc plus souvent prise pour cible pour les séances de torture dans la salle blanche. Ils la brisaient à chaque fois, mais elle n'abandonnait jamais. Elle ne se taisait jamais. A ses côtés, un jeune garçon de son âge la soutenait dans son combat. Ils faisaient une paire tous les deux. En cellule, ils se réchauffaient et se réconfortaient. Ils se protégeaient des autres enfants. Ils partageaient même l'eau et la nourriture. Lyall imaginait très bien combien cette complicité était importante dans une situation pareille. Là où tous les autres étaient seuls, ces deux-là pouvaient compter l'un sur l'autre. Un avantage de taille dans cet ignoble combat contre la mort.
Lyall observa ce duo, discret et efficace. Le CD suivant commença sur ce jeune garçon, qui arrivait en trombe dans une cellule. Il tomba à genoux face à une flaque de sang au sol, le visage entre les mains, brisé. Secoué de sanglots incontrôlables, le jeune garçon ne put résister davantage à la cruauté de la vie. Il s'empara d'une petite pierre tranchante, et se coupa les veines. Au bout de quelques minutes, il tomba au sol, tout juste vivant. C'est là que son amie revint, un couteau à la main, ne comprenant pas ce qu'il se passait. Le jeune garçon la regarda avec stupéfaction. Il regretta son geste de désespoir, mais c'était trop tard. Son amie se jeta à ses côtés, ne sachant que faire pour le sauver. Elle assista à sa mort avec impuissance. Lyall eut les larmes aux yeux de voir avec quelle cruauté le duo avait été brisé. La jeune fille posa sa tête contre la poitrine de son ami, effondrée. Elle serrait le corps sans vie de son partenaire avec désespoir.
L'ombre d'une autre personne apparut sur le film. L'un des bourreaux entra dans la cellule, un sourire mauvais aux lèvres. Il disait quelque chose à la fille. Quelque chose qui mit un terme à ses pleurs. Il se pencha derrière elle, pour lui susurrer des mots sûrement cruels à l'oreille. Tout se passa en un éclair. La jeune fille s'empara du couteau qu'elle avait laissé tomber près de son ami en se jetant à ses côtés. Elle se redressa vivement en faisant volteface, et planta son ennemi en plein ventre. Celui-ci, stupéfait, tomba en arrière sous le coup. La jeune fille en profita pour lui sauter dessus comme une furie. Elle s'empara du manche de l'arme, et retira la lame, pour la planter, encore et encore. Quand un autre adversaire arriva dans la cellule, la jeune fille se détourna de sa victime et se rua sur la prochaine. Mais le militaire entrainé n'eut aucun mal à la maitriser, et à la neutraliser. Il l'expulsa au sol avec violence et sortit son arme à feu, prêt à l'abattre. Le pire des bourreaux, celui que Lyall avait estimé être le chef de ces lieux, arriva à son tour, et dissuada son collègue de tirer. Lyall comprit pourquoi. Ils avaient gagné. Ils avaient fait naitre la bête dans le c½ur de leur victime. La jeune fille venait de commettre son premier meurtre.
Dans les films qui suivirent, Lyall suivit la progression de l'enfant avec crainte. Ses provocations avaient redoublé depuis la mort de son partenaire. Elle tuait même des bourreaux de temps en temps. Elle était châtiée atrocement, mais jamais assez pour l'achever. Et la raison était simple : la mort de son ami avait déclenché quelque chose en elle. Elle agissait avec encore plus de ruse qu'avant dans les épreuves. Elle était plus violente et efficace dans ses combats. Elle refusait d'abord de tuer son adversaire, et puis, le mécanisme de survie s'enclenchait : pour ne pas subir de conséquences, l'autre enfant tentait de la tuer... et elle devait se résoudre à l'abattre. Survivre demandait aux enfants de renoncer à leur morale. Et celle-ci semblait bien résolue à rester en vie. Alors elle jouait malgré elle le jeu de ses bourreaux, car chaque jour, malgré son incessante rébellion, elle progressait. La fureur de vivre animait chacun de ses gestes. Ses compétences en combat ne cessaient de croitre. Elle participait aux épreuves spéciales, qui mettaient en compétition les meilleurs prisonniers. La survie de chacun ne dépendait pas seulement de la loi du plus fort. Il fallait être rusé et créatif pour gagner, faire preuve d'intelligence et de sang-froid. Etre capable d'affronter la mort à tout instant, et de vivre avec la peur permanente de se faire tuer. Cette fille, qui intéressait tant le Premier Ministre, avait tous ces attributs.
L'image se coupa momentanément, avant de revenir sur une scène de carnage. Plusieurs bourreaux avaient trouvé la mort dans le couloir des cellules. A la lumière des torches, Lyall reconnut une fois de plus la jeune fille, inconsciente. Elle tentait toujours d'épargner les autres enfants... mais pour ce qui était des bourreaux, elle les tuait à la première occasion. C'était la seule à y parvenir. C'était une rebelle meurtrière, qui devenait de plus en plus dangereuse. C'est peut-être pour cette unique raison qu'elle était obstinément épargnée. Des centaines de prisonniers qu'il y avait, elle était la seule à capter autant l'attention. Elle était la seule à parvenir à frapper ses ennemis à la moindre erreur de leur part. L'écran redevint noir. Lyall baissa les yeux sur les CD, qui avaient tous changé de pile. C'était terminé, il n'y avait pas de suite. Lyall se douta qu'il n'avait pas mis la main sur tous les enregistrements. D'autres devaient être cachés, ailleurs, ou alors ils étaient détruits.
Encore sous le choc de ce qu'il avait vu, l'Auror fut incapable de bouger pendant de longues minutes. Il savait désormais comment cette armée avait été constituée. Les enfants avaient été enlevés pour être amenés dans cet endroit, cette espèce de camp où ils avaient vécu un véritable enfer. Ils n'avaient eu que deux options : mourir sous les coups, ou devenir des tueurs pour survivre. Quant à savoir d'où provenaient tous ces gosses, la réponse vint dans l'esprit de Lyall avec évidence : l'affaire des Enfants Disparus. Voilà pourquoi un nombre incalculable d'enfants sorciers avaient été enlevés... pour être lentement détruits, jusqu'à devenir des soldats formatés par l'horreur et la violence. Il aurait dû comprendre plus tôt. Maintenant qu'il avait fait ce lien, il comprenait aussi pourquoi Kate s'occupait personnellement de l'affaire. Ce n'était pas la première fois qu'elle intervenait en fait. Lyall se souvint qu'elle avait contribué au sauvetage de plusieurs enfants disparus il y a huit ans. Et il était prêt à parier que c'était elle la jeune rebelle du camp. Tracker était passée par l'enfer avant de devenir un démon.
| QG des armées britanniques |
~ Point de vue de Prue ~
J'étais dans le bureau du Général des armées britanniques, complice de l'horreur du camp. Ne sachant pas où il se trouvait en ce moment, je l'attendais dans son bureau, sachant que ce serait plus rapide que de le chercher partout. Je profitais de son absence pour fouiller, à la recherche d'indices supplémentaires. Je tenais à connaitre le nom de toutes les personnes qui avaient rendu cet enfer possible. Malheureusement, même l'aide de la magie ne suffit pas à trouver de preuves. Les quelques cachettes dissimulées dans le bureau ne détenaient rien à propos de l'armée de sorciers. Le contraire m'aurait étonné. L'affaire était si secrète qu'il pouvait être dangereux de laisser des preuves de son existence. Je regrettais juste de ne pas avoir eu le temps de m'en assurer également dans le bureau de Fuller avant que l'enquête ne soit ouverte. J'aurais voulu en avoir le c½ur net, même si là encore, je serais surprise que Fuller ait conservé quoi que ce soit dans son propre bureau. Surtout en sachant que j'étais sur sa piste.
La porte s'ouvrit à la volée, me faisant sursauter. Dissimulée par le sortilège de Désillusion, le nouvel arrivant ne put me voir... en revanche, il voyait très bien le dossier que je tenais entre les mains, et qui était donc en lévitation à ses yeux. Il ferma lentement la porte derrière lui, et porta une main à son arme. D'une pensée, son pistolet sortit de son holster et atterrit dans ma main. Au nombre d'étoiles sur sa veste, je compris que c'était bien le Général qui se tenait face à moi, méfiant. Il était différent de l'homme que j'avais vu dans les souvenirs de Fuller. J'annulai le sortilège de Désillusion, tenant à ce qu'il me voie, recouverte de mon habituelle tenue d'assassin.
-__Bonjour Général, saluai-je.
La stupeur l'immobilisa plusieurs secondes. Tout comme le Premier Ministre, ma venue était une désagréable surprise.
-__Prudence Halliwell, souffla le Général.
-__Woaw, c'est bien la première fois qu'une personne liée au camp m'appelle par ma véritable identité.
Il eut un amer sourire, laissant échapper un rire nerveux. Les monstres du camp étaient allés jusqu'à me priver de ma propre identité. Par la suite, je n'avais porté que des noms inventés, par eux, ou par moi.
-__J'ai lu votre dossier, dit gravement le Général. Je sais ce qu'ils vous ont fait... et je suis réellement horrifié que vous, et des centaines d'autres victimes, aient connu un tel sort. Mais je vous assure que je n'ai rien à voir là-dedans. C'est mon prédécesseur qui était mêlé à cette histoire, et j'ai refusé de prendre sa relève sur cette affaire. Si vous êtes venue vous venger comme avec Fuller, je crains de vous décevoir.
Une immense frustration me saisit. Où était le Général qui avait soutenu ce projet ?
-__Où se trouve votre prédécesseur ? demandai-je les dents serrées.
-__Il est mort.
Je soupirai, énervée d'avoir été privée d'une victime. J'aurais aimé m'occuper de cet homme personnellement. Fuller avait été assez fou pour imaginer un tel projet... mais jamais il n'aurait pu le concrétiser dans le soutien du Général. Tout comme mon père avait besoin de ses Mangemorts pour agir. Si le Général avait refusé... et avait fait son devoir de protection de la nation, rien de tout cela ne serait arrivé.
-__Que savez-vous au sujet de l'armée de sorciers ? demandai-je. Vous devez bien être au courant de quelque chose.
Le Général ferma les yeux plusieurs secondes, comme s'il vivait un cauchemar. Il se passa une main sur le front, tendu.
-__Je sais qu'elle est conséquente, répondit-il nerveusement.
-__Combien ?
-__Je n'ai jamais eu les chiffres exacts. Je dirais... deux ou trois cents.
Mon c½ur rata plusieurs battements. C'était pire que ce que j'imaginais. Quelques centaines de soldats pouvaient être facilement renversés... mais si ces soldats étaient aussi doués que moi... ils pourraient bien être un fléau impossible à arrêter. Je fus prise de sueur froide en imaginant l'armée échapper à tout contrôle.
-__Il va falloir vous montrer plus bavard, prévins-je.
-__Fuller a eu cette idée peu après avoir découvert l'existence de la magie, soupira le Général. Il a convaincu mon prédécesseur que c'était pour le bien du pays. Quelques militaires ont été affectés au camp, des psychiatres... et des criminels.
-__Quoi ?!
-__Aucune des personnes impliquées de près dans le camp n'avait un casier vierge. Les militaires étaient des anciens soldats démis de leurs fonctions. Les deux psychiatres aimaient trop étudier la folie et faire des expériences pour être sains d'esprit. Et enfin, puisqu'il s'agissait de vous faire acquérir des compétences criminelles... personne ne pouvait être mieux placé que des criminels en personne pour vous « former ». Vous avez été victime d'une équipe soigneusement composée de barges extrémistes. Je sais aussi que Fuller a usé de nombreux intermédiaires, pour entrer en contact avec des groupes comme le gang des Cobras. Ces mercenaires étaient chargés de l'enlèvement des enfants, et autre sale boulot. Tout se passait bien, dans le plus grand secret... jusqu'à ce qu'ils vous enlèvent, vous.
Le Général marqua une pause, me regardant pensivement. C'était l'un des premiers à ne pas me craindre.
-__Vous savez pourquoi vous avez été choisie ? demanda le Général.
-__Mes pouvoirs, soufflai-je.
-__Exact. Fuller détestait la magie, mais je peux vous assurer qu'il avait des informateurs dans votre communauté pour bien choisir les enfants à enlever. La famille Halliwell était connue pour ses pouvoirs héréditaires. Votre s½ur et vous aviez donc un très fort potentiel magique. Seulement ils n'ont pas eu votre s½ur... et vous avez très vite développé un fort penchant pour la rébellion. Oh, vous n'étiez pas la seule à suivre ce chemin... En fait, c'est même ce que Fuller cherchait à provoquer. Une rébellion modérée bien sûr. C'est la raison pour laquelle les rares prisonniers rebelles étaient séparés, pour que le feu ne se propage pas. Les alliances étaient surveillées de près, car elles pouvaient devenir contre productives.
Je baissai les yeux, essayant de ne pas penser à Jeff. Notre alliance avait été brisée de cruelle manière.
-__Leur stratégie s'est retournée contre eux. A force de vous nourrir de haine, et de vous entrainer au combat, vous avez fini par devenir apte à les battre. Vos meurtres ont été de plus en plus difficiles à cacher. Et puis, votre évasion a créé un véritable soulèvement... à tel point qu'un des membres du camp a fini par révéler qu'il était un sorcier, pour apporter l'aide de la magie.
Le patron du camp... ce salaud de sorcier refoulé, qui avait fait usage de la magie seulement pour contribuer aux projets de Fuller.
-__Après ça, tout a changé. La magie empêchait les enfants de s'évader. Fuller a engagé des scientifiques pour trouver un moyen de formater l'esprit humain. Et ils ont réussi. C'était le grand final de la formation. Les prisonniers qui parvenaient au bout avaient pour seule récompense de passer entre les mains des scientifiques.
-__Que voulez-vous dire ?
-__Vous ne pensiez tout de même pas que Fuller prendrait le risque d'avoir une armée de sorciers potentiellement capable de se retourner contre lui ? Comment croyez-vous qu'il ait pu compter sur cette folie.
-__Où se trouve l'armée maintenant ?
Le Général ne répondit pas, embêté. Il savait où se trouvait l'armée. Son regard ne trompait pas. Il le savait, mais il ne voulait pas me le dire.
-__Ne m'obligez pas à changer de méthode, menaçai-je.
-__Prudence, vous ne pouvez rien faire pour les soldats. Laissez-les là où ils sont.
-__Je n'ai peut-être pas été assez claire... le simple fait que soyez resté sans rien faire en sachant la vérité est un argument valable pour vous tuer. Alors si vous voulez que je vous épargne, il va falloir coopérer.
-__Sans rien faire ?! répéta le Général scandalisé. Mais que vouliez-vous que je fasse ?! Le mal était déjà fait !
-__Les soldats sont toujours prisonniers, quelque part. Vous auriez pu leur rendre leur liberté. Les soigner. Veiller à ce qu'ils réintègrent la société. C'est ce que j'ai fait avec les prisonniers du camp.
-__Ce n'est absolument pas comparable, rétorqua sèchement le Général. Les soldats sont bien loin de l'idée que vous vous en faites. Ce ne sont pas de simples prisonniers. Si j'avais été Général à l'époque, j'aurais probablement tué moi-même le Premier Ministre pour l'empêcher de commettre une telle folie... maintenant que le mal est fait, il est irréparable, et le plus grand danger serait de libérer cette armée.
-__C'est ce que vous vous dites tous les soirs pour réussir à vous endormir ? narguai-je. Que ces quelques deux ou trois cents soldats doivent rester prisonniers toute leur vie, « pour le bien du pays » ?
-__Ecoutez... maintenant que vous avez tué Fuller, je peux prendre les choses en mains. Je peux ordonner que plus aucune expérience ne soit faite sur les soldats, et qu'on s'en occupe de manière respectable. Mais ne me demandez pas de les relâcher. D'ailleurs, c'est inutile. Ils ne sont pas aptes à retrouver leur liberté.
-__Ce n'est pas à vous d'en juger ! m'emportai-je.
Le Général eut un rire nerveux face à ma détermination.
-__Ok Prudence, je vais vous dire où ils sont. Je suppose que vous m'arracherai la réponse de toute manière.
-__Exact.
Il se tourna vers la carte du monde derrière lui et planta une punaise sur l'île en question. L'île où je m'étais déjà rendue dans mon enfance, lors de ma toute première guerre.
-__C'est ici, dit-il. Je crois que vous connaissez déjà cet endroit.
-__Weather Island, soufflai-je.
-__Il y a un détachement d'une dizaine de soldats, pour assurer la liaison avec le siège, et s'occuper un minimum des prisonniers. Ils empêchent l'arrivée de tout intrus sur l'île. Aucun bateau n'approche, aucun avion ne la survole. C'est un endroit fantôme. Mais je suppose qu'avec l'aide de votre... magie, vous n'aurez aucun mal à vous rendre sur place.
-__En effet.
-__Rendez-vous au nord de l'île. Vous tomberez sur les ruines d'un temple. A l'intérieur, vous découvrirez un bâtiment souterrain. Les prisonniers y sont. Je vous suggère de vous infiltrer avec précaution. Les soldats sur place ont ordre d'empêcher tout intrus d'entrer, certes, mais également tout prisonnier de sortir. Il y a des caméras et des capteurs partout. S'ils détectent une menace, vous devrez faire face à des mitraillettes automatiques qui hacheront toute forme de vie dans leur secteur, des lances flammes, et autres armes très inventives contrôlées à distance. L'unique issue du bâtiment sera condamnée par une porte blindée. Si la situation est jugée hors de contrôle, les soldats ont ordre de déclencher une bombe qui se trouve dans les fondations, pour réduire à néant l'armée de sorciers.
-__Des mesures drastiques, commentai-je avec froideur.
-__A la hauteur de la menace.
-__Je croyais que les soldats étaient formatés.
-__Ce n'est pas pour eux que ces mesures ont été mises en place... mais pour vous. Sachez que tous les membres du camp qui vous ont connu s'attendent à vous voir surgir depuis que le nom de Tracker a émergé du milieu criminel. Chacun de vos actes de vengeance envers le camp a fait monter le cran de paranoïa. Ils savent que vous les traquez... alors ils s'attendent à vous voir, tôt ou tard.
-__Je serai à la hauteur des retrouvailles... D'ici mon retour, je veux que vous me prépariez un dossier avec tout ce que vous savez sur l'armée. Je veux le nom des participants encore en vie, l'endroit où se trouve le stock de puce anti sorcier, et toute arme fabriquée contre nous. Je veux savoir quelles sont les actions en cours contre la communauté sorcière. Si je me rends compte que vous me trahissez, ou que vous tentez de prévenir quelqu'un, je reviendrai vous tuer.
-__Ce sera prêt d'ici 48h.
-__Alors au travail.
Je lui jetai son pistolet et disparus. J'avais toutes les informations utiles pour en finir avec cette histoire. Il ne me restait plus qu'à me préparer minutieusement pour y parvenir. La fin de cette folie était proche.
| Maison des Noven |
J'avais passé la journée à réfléchir, et à me préparer pour mon grand retour sur l'île maudite de mon enfance. J'irai demain. Avant, j'avais besoin de voir mon fils une dernière fois, et de profiter d'une nuit de sommeil.
A mon arrivée chez les Noven, Julie et Hélène m'accueillirent avec toujours la même inquiétude. Et comme à chaque fois, je restai vague pour les ménager. J'allai voir Enzo, le prenant dans mes bras avec joie. Je passai trop peu de temps avec lui. Il me manquait beaucoup. Alors je restai avec lui un long moment, à le câliner et à lui murmurer des mots réconfortants. Je fus interrompue par Jack, qui rentrait visiblement d'une longue journée.
-__Je peux te parler ? demanda Jack.
J'acquiesçai, remettant Enzo dans son lit pour suivre mon mentor. Moi aussi j'avais besoin de lui parler.
-__J'ai essayé de te joindre toute la journée, dit-il.
-__Pardonne-moi, j'étais très occupée.
-__Ton père ?
-__Non... Il faut que je te dise quelque chose. C'était moi... le Premier Ministre. Je l'ai tué.
-__Je suppose que tu avais une excellente raison de le faire.
-__C'était lui le responsable du camp. C'est pour ça qu'on n'arrivait pas à remonter la piste...
-__Et comment tu y es parvenue ?
Je lui expliquai le secret partagé par Lyall, au sujet d'une mystérieuse armée de sorciers montée par Fuller, ainsi que la puce fabriquée. Jack en fut réellement assommé. Tout comme moi, il ne pensait pas que l'affaire aurait été si loin.
-__Que vas-tu faire ? demanda Jack.
-__Finir le travail. Il faut à tout prix empêcher l'utilisation de cette armée... et de la puce. Nos deux communautés ne doivent pas entrer en conflit.
-__Laisse-moi t'aider.
-__C'est pour ça que je suis là. Demain, je vais libérer l'armée.
-__Je viendrai avec toi. Ce combat est aussi le mien après tout.
Je pris Jack dans mes bras, soulagée qu'il me soutienne sans la moindre hésitation.
-__Qui est au courant ? demanda Jack.
-__Lyall et les Maraudeurs savent pour mon meurtre... mais ils ne savent que très peu de chose sur l'armée. Nous aurons donc la voie libre pour agir.
-__Je suppose que tu ne veux pas les impliquer ?
-__Ils ont essayé de m'empêcher de tuer Fuller... je ne peux pas les faire venir sur l'île. Ils m'empêcheraient de faire ce qui doit être fait.
-__Ça va entacher votre relation pour la suite de la guerre...
-__Je sais... mais la machine doit être détruite.
Jack me déposa un baiser sur le front, m'assurant d'un regard réconfortant que tout irait bien. Je sentis que Lyall cherchait à me joindre, comme souvent depuis mon meurtre. Cette fois, c'était encore plus pressant, alors je consentis à lui rendre une petite visite. C'était aussi l'occasion d'avoir le c½ur net sur la suite de notre collaboration.
| Manoir Halliwell |
Lyall m'attendait dans le jardin. Il ne semblait pas tenir en place.
-__Bonsoir Lyall, dis-je en m'arrêtant à quelques mètres de lui. Ravie de voir que vous êtes guéri.
Mon ami hésitait encore entre me crier dessus, et se contrôler. Je le sentais au bord de l'explosion.
-__Vous avez obtenu quelque chose de Fuller avant de le tuer ? demanda-t-il.
-__Je ne lui aurais pas laissé le loisir d'emporter le secret dans sa tombe...
-__Où se trouve l'armée de sorciers ?
-__Je regrette, mais je ne peux pas vous le dévoiler.
-__C'est grâce à moi que vous avez pu vous venger ! s'emporta Lyall. Je vous ai fait confiance, j'estime avoir droit à la vôtre en retour !
-__Il ne s'agit pas de confiance Lyall. Cette histoire s'est toujours déroulée dans l'ombre... et c'est ainsi qu'elle se terminera.
-__Je ne vous demande pas d'impliquer les forces de l'ordre, encore moins de rendre cette affaire publique !
-__Non, vous souhaitez seulement participer, pour garder un ½il sur moi et essayer de me contrôler, terminai-je.
-__Vous ne pouvez pas déterminer à vous seule l'avenir de cette armée et de l'organisation qui s'en occupe.
-__Qui d'autre serait mieux placer pour le faire ? renvoyai-je.
-__Vous êtes aveuglée par votre désir de vengeance ! s'emporta Lyall. Vous ne pouvez pas prendre de décision rationnelle !
-__Je l'ai pourtant fait avec Fuller. Moi qui voulais lui offrir une mort digne de sa cruauté... je me suis contentée de peu pour conserver le secret et éviter une guerre.
Lyall se prit la tête entre les mains, exaspéré de ne pas réussir à me convaincre. Il se fatiguait pour rien, je ne pouvais pas satisfaire ses attentes.
-__Je sais ce qu'ils vont ont fait, lâcha Lyall.
-__Comment pourriez-vous le savoir ?
-__Fuller conservait des enregistrements dans son bureau.
Mon c½ur dérailla. Lyall avait trouvé des enregistrements... qu'avait-il vu ? Que savait-il ?
-__J'ai un aperçu de l'enfer que vous avez traversé... je comprends votre haine. Mais vous ne pouvez pas démanteler cette organisation à vous toute seule.
-__Qui vous dit que je suis seule ?
Lyall ne sut que répondre, surpris.
-__Maintenant Lyall, je vais vous demander de me remettre les enregistrements que vous avez trouvés.
-__Hors de question.
-__Ce n'était pas une question. Je me démène pour faire disparaitre toutes les traces au sujet de cette folie... ce n'est pas pour vous laisser en possession de preuves. Vous ne pourrez pas les exploiter de toute façon, elles ne vous servent à rien.
Mon ami sortit sa baguette, prêt à m'affronter. Son entêtement m'exaspéra au plus au point. N'avait-il donc toujours pas retenu la leçon ?
-__Vous savez comment ça va finir, soupirai-je avec lassitude.
-__Avec votre défaite.
Lyall lança sa première attaque. Je la retournai contre lui, le projetant au sol. Je dégainai ma baguette et le mit en joug pour le dissuader de se relever.
-__Si vous ne me donnez pas ce que je veux... je le prendrais de force, avertis-je.
-__J'ai hâte de voir ça, provoqua Lyall.
Je m'apprêtais à entrer dans son esprit, pour découvrir où est-ce qu'il avait mis les enregistrements. Une soudaine lumière blanche apparut dans la nuit, et je me sentis percutée sur le côté. Je roulai plusieurs fois avant de me relever aussi sec. Je faillis pousser un cri de rage en voyant les Maraudeurs, entre Lyall et moi. Une embuscade. Ce n'était qu'une putain d'embuscade pour m'arrêter.
-__C'est terminé Kate, affirma James. Rendez-vous.
-__Je ne tiens pas à me battre contre vous... mais si vous m'y forcez, je le ferais, prévins-je.
-__Nous sommes quatre Aurors, rappela Sirius. Vous n'avez aucune chance.
-__C'est bien la preuve que vous n'avez encore rien vu Black.
Les Maraudeurs m'attaquèrent en simultané, pour essayer de me neutraliser. Protégée par mon bouclier télékinétique, leurs efforts restèrent vains. Moi en revanche, je les faisais bouger en les mitraillant de sortilèges. James fut le premier à tomber, stupéfixé. Mes trois amis encore debout marquèrent une pause, essoufflés.
-__Nous sommes dans le même camp, nous n'avons aucune raison de nous battre ! tentai-je de raisonner.
-__Au contraire ! rugit Sirius.
Il m'attaqua encore, mais cette fois, je l'expulsai à plusieurs mètres et le stupéfixai lui aussi. Remus tenta sa chance, et j'eus le mauvais réflexe de contrer son sortilège. Il décolla, comme si un troll lui avait soudainement mis un uppercut. Le c½ur déraillant, je le retins par magie pour amortir sa chute. Mon inattention permet à Lyall de me lier magiquement les mains. Ma baguette me glissa des doigts sous l'effet de surprise. Rien ne pouvait défaire ce type de lien, excepté un représentant de l'ordre, justement réservé aux prisonniers pour qu'ils ne s'échappent pas. J'usai toutefois de la télékinésie pour tenir Lyall à distance. Remus se redressa, un peu sonné, mais toujours prêt à se battre. J'avais les mains liées, mais je pouvais toujours les repousser. Sauf que c'était une impasse... il fallait que j'arrive à convaincre l'un de mes amis de me libérer avant de partir. Je regrettais déjà d'être venue. J'aurais dû me douter qu'ils mettraient tout en ½uvre pour m'arrêter.
-__Et maintenant ? demandai-je avec agacement. Vous allez m'amener à Azkaban peut-être ?
-__Non, mais je compte bien vous garder au chaud ici quelques temps... avoua Lyall. Puisque vous êtes incontrôlable, il faut vous neutraliser.
-__Vous connaissez l'histoire ! m'emportai-je. Vous savez au fond de vous que je fais seulement mon devoir ! Pourquoi m'en empêcher ?!
-__Vous avez assassiné le Premier Ministre ! cria Remus.
-__Si vous connaissiez la vérité, vous ne me feriez pas obstacle !
-__Alors dites-la !
-__Fiston, je ne crois pas que ça soit le moment, intervint Lyall.
-__Au contraire ! objecta Remus.
-__Fuller était à la tête d'une organisation secrète, commençai-je. Une organisation qui avait pour but de constituer une armée de sorciers. Ils ont enlevé des enfants sorciers pendant des décennies, affaire que nous avons connue sous l'appellation des Enfants Disparus. Des enfants qui ont vécu un véritable enfer ! Votre père peut confirmer puisqu'il parait qu'il a vu des enregistrements !
-__Que sont-ils devenus ? demanda Remus.
-__Des soldats, contrôlés par Fuller. Il souhaite utiliser cette armée contre notre communauté, pour nous détruire. Il a aussi un paquet d'armes, comme une puce qui prive un sorcier de ses pouvoirs. J'en ai déjà fait l'expérience, je peux vous assurer qu'elle est efficace ! Fuller n'attendait qu'un faux pas de notre part qui révèlerait notre existence pour nous déclarer la guerre. Avec les Mangemorts, on peut dire que le danger était plutôt imminent. Alors j'ai tué le Premier Ministre... et je m'apprête à libérer les sorciers de l'emprise de ces fous ! Il faut mettre un terme à tout ça avant que la situation nous échappe !
-__Vous ne pouvez pas libérer ces soldats sans précaution ! rétorqua Lyall. Ils sont sûrement aussi dangereux que vous !
-__J'ai déjà libéré des prisonniers de cet enfer Lyall... et j'ai pris la peine de m'en occuper pendant des mois pour veiller à leur réintégration dans la société ! Ne me prenez pas pour une inconsciente, je sais parfaitement ce qu'ils représentent !
-__Et pour les membres de cette organisation... que comptez-vous faire ? s'intéressa Remus, avide d'en savoir plus.
-__Eliminer ceux qui étaient impliqués... détruire les armes qu'ils ont contre nous... effacer les traces pour que le monde n'apprenne jamais ce qui a été fait... bref, j'ai beaucoup de travail, et vous me retardez. Alors enlevez-moi ces foutus liens !
-__Désolé Kate... je refuse de vous laisser faire, s'excusa Lyall.
A ma grande surprise, Remus pivota pour pointer sa baguette sur son propre père.
-__Remus ? Qu'est-ce que tu fais ?! s'étonna Lyall.
-__Stupéfix !
C'était probablement la scène la plus improbable de la soirée. Immobile, n'arrivant pas tout à fait à croire que Remus s'était retourné contre son père. Je le regardai, ébahie, ne comprenant pas très bien. Il me lança le contre sort pour libérer mes mains.
-__Pourquoi me soutenir ? demandai-je.
-__Je viens de comprendre qu'on n'aurait jamais dû interférer, répondit Remus. Mon père souhaite se mêler de cette affaire à tout prix, mais au final, c'est ainsi qu'on risque de perdre le contrôle. On a déjà failli le faire en voulant vous empêcher d'atteindre Fuller. Vous avez parfaitement géré la situation, heureusement... mais si ça n'avait pas été le cas, les conséquences auraient été désastreuses.
Remus s'approcha de moi en rangeant sa baguette.
-__J'ignore encore beaucoup de choses sur vous... mais je sais que vous ferez ce qu'il faut pour mettre fin à cette folie. Discrètement.
-__Merci Remus... merci de me faire confiance.
-__Bonne chance Kate. Soyez prudente.
-__Bonne chance à vous aussi pour faire face à votre entourage après ce petit... retournement de situation.
Remus sourit et regarda vers son père avec un haussement d'épaules.
-__Il s'en remettra. En particulier lorsque vous reviendrez nous raconter que tout s'est bien passé et qu'il n'y a plus rien à craindre de cette armée.
-__Dites-lui que je tiens à ce qu'il détruise les enregistrements d'ici là.
-__Je veillerai à ce qu'il le fasse.
Ce fut à mon tour de sourire. La foi qu'avait Remus en moi faisait chaud au c½ur.
-__Alors à demain, dis-je en partant dans un voile de fumée noire.
~ Point de vue général ~
Remus regarda Kate disparaitre, sans regret. Il savait qu'il avait pris la bonne décision, même si ses amis et son père ne voudront jamais l'admettre. Lorsque Lyall ouvrit les yeux sur son fils, il se redressa d'un bond, regardant partout autour de lui à la recherche de Kate.
-__Où est Kate ?! cria Lyall.
-__Partie accomplir son devoir, répondit platement Remus.
-__Mais qu'est-ce tu as fait ?!
-__Je t'ai empêché de commettre une erreur.
-__L'un de vous va-t-il nous expliquer ce qu'il se passe ? interrompit Sirius avec colère.
Remus raconta comment l'altercation avait tourné... en répétant en détails tout ce que Kate avait dit.
-__Si la vérité est dévoilée... ou que l'armée est utilisée, c'est une guerre entre nos deux communautés qui va se déclarer, au niveau mondial, termina Remus. Kate fait tout pour empêcher ça.
-__De tels enjeux ne doivent pas reposer entre les mains d'une ancienne victime du camp ! s'emporta Lyall fou de rage. Elle est trop impliquée !
-__Ce n'est pas à toi d'en décider, répliqua Remus. Jusqu'à maintenant, elle n'a pas eu besoin de nous pour gérer cette affaire. Nous, on a seulement failli la foutre en l'air en agissant sans savoir. D'ailleurs... tu comptais nous dire la vérité à quel moment sur Fuller ? Attendre d'en arriver à une situation désespérée, comme avec les Horcruxes ?
-__Je ne voulais pas vous mêler à ça ! J'avais confiance en Kate, je ne pensais pas qu'elle déraperait de la sorte !
-__Mais ce n'est pas elle qui dérape... c'est toi !
-__J'essaie d'empêcher une tueuse très dangereuse d'agir par vengeance !
-__Il y a tellement plus que de la vengeance dans ses intentions !
-__Qu'est-ce que tu en sais ? Parce qu'elle te l'a dit ?!
-__Parce que je le sens ! Elle est sincère papa ! Et toi, tu la traites comme si elle n'était pas capable de gérer la situation ! Tu as découvert l'existence de cette armée il y a quelques semaines... elle, elle est au courant de tout depuis des années ! Et tu penses être mieux placé qu'elle pour agir ?
-__Tu ignores l'ampleur de ses compétences Remus... elle va faire couler un bain de sang.
-__C'est ce que je souhaite, renvoya Remus avec froideur. Qu'il ne reste rien de ceux qui essaient de nous détruire !

evanalinch-lunalovegood, Posté le jeudi 12 juillet 2018 11:22
J'adore ce chapitre. Un des meilleurs. Hâte de lire le dénouement de l'histoire